L'armée d'Afrique, commandée par Bugeaud et de nombreux généraux encore plus sanguinaires, n’ont pu conquérir l'Algérie que par le recours à une guerre totale qui a failli exterminer ses habitants et dévaster leurs moyens de subsistance.
Les officiers supérieurs de cette armée conquérante ont décrit, avec un réalisme cynique et cruel, les exploits de leurs soldats. D'après le général Montagnac, « aussitôt l'emplacement de la tribu connu, chacun se lance, se disperse dans une direction quelconque, on arrive sur les tentes dont les habitants, réveillés par l'approche des soldats, sortent pêle-mêle, avec leurs troupeaux, leurs femmes, et leurs enfants... Les coups de fusil partent de tous les côtés sur les misérables surpris, sans défense; hommes, femmes, enfants poursuivis sont bientôt enveloppés et réunis par quelques soldats qui les conduisent. »
« Les bœufs, les moutons, les chèvres, les chevaux, tous les bestiaux enfin qui fuient sont vite ramassés, le feu est ensuite mis partout à ce que I’on ne peut emporter, et bêtes et gens sont conduits en convoi; tout cela crie, tout cela bêle, tout cela braie, c'est un tapage assourdissant. »
Que faisait-on des prisonnières? Elles faisaient partie du butin et étaient traitées comme tel:
« On en garde quelques-unes comme otages : les autres sont échangées contre des chevaux, et le reste vendu aux enchères... comme bêtes de somme. Le sort de celles qui étaient très jolies... ne faisait aucun doute. »
« Les femmes, les enfants, accrochés dans les épaisses broussailles qu’ils sont obligés de traverser, se rendent à nous; on tue, on égorge. Les cris des épouvantés, des mourants, se mêlent aux bruits des bestiaux qui mugissent, bêlent de tout côté. C'est un enfer : au lieu du feu qui nous grille, la neige nous inonde. »
« Des tas de cadavres pressés les uns contre les autres et morts gelés pendant la nuit. C'était la malheureuse population des Béni-Menasseur (frange ouest de la mitidja); c'étaient ceux dont je brûlais les villages, les gourbis et que je chassais devant moi. » « Des bassines enflammées et systématiquement entretenues furent placées devant les issues des grottes où s’était réfugiée la population... Tous les soldats mettaient de la rage à porter du bois... On trouva, le lendemain, des cadavres amoncelés, cinq cents ou mille, on ne sait. »
La paysannerie algérienne continua de résister jusqu'à ce qu’elle ait été quasiment détruite. C’est ainsi que la grande révolte menée par El-Mokrani en 1871 a été écrasée. Ainsi, la population algérienne a baissé de deux millions. D’environ quatre millions en 1830, elle n’était plus que de deux millions en 1875.
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