Premier Novembre 1954 - Premier Novembre 2024 : Soixante-dix ans déja!
La crise du mouvement nationaliste (MTLD) a libéré les cadres et militants partisans de l'action directe, ce qui leur a permis, sous l’impulsion de Boudiaf et de Didouche Mourad, de préparer la réunion historique des « 22 » le mois de juillet 1954 à Alger. Durant cette réunion, Boudiaf fut élu coordinateur national du déclenchement de la Révolution, avec le mandat de désigner un comité national comme état-major général du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Cette initiative a réussi à mettre en place les structures et contre-structures révolutionnaires, capables de canaliser et de mobiliser les énergies créatrices de tous les patriotes algériens, déterminés à se battre, pour arracher l’indépendance du pays par les armes.
Malgré la défaillance de la direction du parti et l’élection, au bulletin secret par les « 22 », de Boudiaf comme coordinateur national, ses compagnons l’ont autorisé à essayer de trouver une personnalité connue, expérimentée et résolue en vue de la désigner comme leader de la Révolution. Après mûre réflexion, Boudiaf décida d’approcher deux personnalités du PPA-MTLD : le docteur Lamine-Debaghine, comme dirigeant principal, et un jeune arabisant étudiant à la Zeytouna, comme conseiller ou adjoint ou porte-parole.
Le docteur Lamine-Debaghine refusa sans tergiverser en arguant du fait qu’il n’avait été ni consulté ni invité à la réunion des « 22 », tandis que Abdelhamid Mehri n’a pas eu la franchise de rejeter carrément cette offre. Il laissa Boudiaf lui révéler les secrets concernant le déclenchement de le Révolution en préparation. Au lieu de donner une réponse nette, Mehri a répondu : « Je vais réfléchir. »
D’après Bentobbal, « il s'est dérobé et, depuis ce jour, la réponse tant attendue ne nous est jamais parvenue... Il s'agit là d'un trait dominant de sa personnalité. Il ne prend jamais de décisions et passe son temps à réfléchir.
En dépit du refus de la classe politique réformiste, le comité des « Six» a réussi à créer les conditions minimales, y compris la rédaction d’une déclaration de guerre contre l’Etat colonial.
La déclaration de guerre contre la France pour restaurer l’Etat algérien.
Il est nécessaire de rappeler les objectifs essentiels définis par le comité des Six présidé par Boudiaf et assignés au FLN-ALN, doté de nouvelles structures révolutionnaires. Le but principal était l’indépendance nationale par :
- La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social, basé sur des principes islamiques :
- Le respect de toutes les libertés fondamentales, sans distinction de race et de confession.
- L’assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l’anéantissement de tous les vestiges de la corruption et du réformisme, cause de notre régression actuelle ;
- Le rassemblement et l’organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.
La réalisation des objectifs définis par le comité des Six n’a pas été facile. Car l’Algérie était la seule colonie française considérée comme faisant partie intégrante de la France métropolitaine et la plus peuplée par des colons français qui étaient déterminés a maintenir leur prépondérance, quels que soient le prix et les conséquences. Cela explique le fait que toute la presse française de l’époque réaffirma la souveraineté française et rejeta la responsabilité du déclenchement sur les pays membres de la Ligue Arabe.
Par exemple, pour l'Aurore du 5 novembre 1954, « les exécutants sont armés et commandés du dehors ». Pis encore. l'Humanité, exprimant la position du PCF, condamna « le recours à des actes individuels susceptibles de faire le jeu des pires colonialistes si même ils n 'étaient pas fomentés par eux... ».
Ce fut ainsi que la presse française, de droite, aussi bien que de gauche, a préconditionné les prises de position officielles des diri geants de l’Etat français de cette période En effet, pour le gouverneur général, Léonard, « l'Algérie vivait dans l'ordre et la paix » et. par conséquent, il faut dire « qu'absolument rien ne pouvait justifier une telle agression, d'étendre aux trois départements les désordres sanglants qui désolent les territoires voisins. Pour connaître les origines d'un tel complot, il suffit d'écouter les appels frénétiques de certaines radios étrangères et de savoir les liens directs qui unissent les dirigeants de cette entreprise lointaine avec les groupements terroristes qui ont opéré en Algérie ».
Pour Mitterrand, ministre de l'intérieur de l'époque : « La seule négociation avec les hors-la-loi c'est la guerre. » Le 12 novembre, le Premier ministre Mendès-France exprima la position du gouvernement français devant un débat à l'Assemblée nationale en ces termes :
« Qu'on n'attende de nous aucun ménagement avec la reddition, aucun compromis avec elle... »
Conscients des faiblesses numériques et matérielles ainsi que qualitatives de la résistance, inhérentes à une société segmentaire et surtout, marquée par l’histoire du mouvement national et l’expérience traumatique de la crise PPA-MTLD, les fondateurs de la Révolution de Novembre ont mis en place, graduellement, une organisation révolutionnaire omniprésente, auto-reproductrice et, par conséquent, imbattable à long terme.
Se basant sur le vieil adage selon lequel l'union fait la force, ils ont demandé au peuple algérien de se soumettre aux exigences de la dynamique unitaire et organisationnelle mise en branle par l’ENA-PPA-MTLD, à sa logique et à ses implications politico-militaires.
En effet, la réalisation des objectifs assignés à la nouvelle organisation politico-militaire exigea l’implantation du FLN-ALN comme parti-nation. Ainsi, les difficultés et problèmes créés par les inégalités des forces algérienne et française ont été finalement surmontées par une efficience organisationnelle, rendue possible par une direction politique unique. Cette combinaison constitue l’avantage, à la fois stratégique et tactique, de la résistance algérienne (1954-1962).
Le succès de la résistance a entraîné progressivement le ralliement des forces politiques représentées par les centralistes, les parti sans de l’UDMA, les Oulémas, et même d’un nombre important des membres du PC, des élus et des administratifs, collaborateurs..., à l’organisation politico-militaire érigée par les anciens de l’OS en tant que contre-Etat.
Ce fait aura des conséquences sur la vie politique de l’Algérie indépendante (la prépondérance des activistes, remplacés par les officiers supérieurs de l’ANP après 1962, dans la vie politique de l’Algérie indépendante (ce qui est à l’origine du drame actuel).
Comme l’originalité du FLN-ALN était l’établissement d’un contre-Etat, doté de structures verticales (ou hiérarchiques) et horizontales (ou territoriales) révolutionnaires, capables de mobiliser, d’organiser, d’encadrer et de canaliser les énergies les plus résistantes et les plus créatrices du peuple algérien en vue de rendre le pays ingouver nable pour la France, nous devons donc esquisser une analyse des structures politico-militaires de l’Algérie en guerre. La mission de ce contre-Etat, de type jacobin, était d’accomplir deux tâches essen tielles :
- Résoudre le problème présenté par les faiblesses d’ordre numé rique, matériel, structurel, technique, intellectuel., d’une révolution populaire, face à l'appareil étatique ennemi, ayant une armée classique considérable, suréquipée, bien entraînée, bien noume...
- Forger l'unité nationale, grâce à l’intégration et à l’incorpo ration des menbres des 803 tribus algériennes dispersées à travers le territoire ainsi que les innombrables habitants des bourgades, centres urbains et grandes villes au sein desquels les populations étaient encore superstructurellement segmentarisées, dans l’organisation (nidham), seule capable de dépasser les limites structurelles engendrées par la segmentarité ancienne sous-tendant l’oiganisation de la société algé rienne traditionnelle.
Pour obtenir un meilleur résultat de ces structures horizontales, qui s’étendent spatialement sur l’Algérie et la France, des structures verticales, visant à promouvoir une division du travail indispensable à l’efficacité des actions multiples entreprises partout et à tous les niveaux et nécessitant conceptualisation, préparation, planification, supervision, coordination et exécution, ont été mises en place.
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