Le mouvement qui a jeté l’Algérie dans une guerre de huit années et lui a donné l’indépendance a été l’œuvre de six hommes — oui, six en tout — dépourvus de troupes, d’armes, d’argent, d’appui extérieur et même du soutien populaire. Quand on découvre la pénurie, la misère des moyens et que l’on pense à l’objet immense de l’entreprise, sa démesure paraît véritablement insensée, démentielle.
Les six pourtant n'étaient pas des fous.
Simplement, il leur était devenu impossible de supporter davantage l’inégalité, l’indignité auxquelles, sur sa propre terre, on obligeait leur peuple. Et ils voyaient que le M.T.L.D., seul parti révolutionnaire algérien, était voué à l'inaction par des querelles de tendances et le despotisme jaloux de son vieux chef, Messali Hadj.
Ils n’étaient ni fous ni même inconscients.
Ils savaient qu'ils auraient à se battre contre la police et l'armée, françaises et contre un million d’Européens résolus à ne rien céder de leur pouvoir, de leurs richesses, de leurs prérogatives et qu'appuyaient toutes les ressources de la métropole. Ils savaient que pour affronter ces forces écrasantes leurs effectifs se réduisaient, dans les villes, à une poignée de fidèles et, ailleurs, à des groupes de partisans et des bandes perdues dans le bled ou la montagne. Ils savaient que leur armement était dérisoire : quelques fusils désuets, quelques vieux revolvers, des bombes d'amateurs.
Mais ils sentaient que, malgré et contre tout, l’insurrection était chose nécessaire et sacrée. Il fallait que jaillissent les étincelles de l’explosion. L'incendie une fois allumé trouverait ensuite, pensaient-ils, de quoi nourrir, enfler sa flamme et ne s'éteindrait plus. À condition de mettre le feu partout, d’un bord à l'autre de l'Algérie, et le même jour.
Le 1er novembre 1954 il en fut ainsi.
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